En tant qu’entraîneur de basketball, quand je cherche à illustrer ce qui définit l’intelligence émotionnelle, je la repère particulièrement présente au cœur des « temps-morts » au cours des matchs de basket (moment de rassemblement de l’équipe lors d’une interruption autorisée survenant en plein match – outil prévu pour définir une stratégie adaptée à la contingence).

Voici ce qui pour moi illustre le mieux la subtilité des relations interpersonnelles et intrapersonnelles dans ce contexte à « fort » enjeu, durant lequel le jeu s’interrompt :

  • Le coach doit calibrer son intervention auprès des joueurs afin d’induire de la confiance. Il doit incarner son message à partir des sincères convictions qui l’animent. De sa gestion émotionnelle dépend généralement la clarté de sa communication et sa possible influence sur la suite du déroulement de la rencontre.
  • Pour composer la configuration d’équipe la plus adaptée, le coach doit aussi étudier les postures non-verbales de ses joueurs de terrains ainsi que celles des remplaçants. Il doit composer un « cinq » à partir de la considération d’éléments comme : le registre technique de chaque joueur à investir, leur flegme émotionnel, leur lucidité, leur capacité physique, leur compréhension de la tactique, leur détermination à s’engager pleinement.
  • Les joueurs quant à eux doivent s’assurer qu’individuellement, ils sont capables de faire preuve de lucidité dans leurs choix au cours du jeu, ainsi que dans le choix de leur posture sur le banc des remplaçants. La complexité pour ces compétiteurs réside dans l’association de cette part de contrôle avec celle du dépassement de soi, cela peut sembler antinomique c’est pourtant un savoir-faire incontournable. Combiner rage de vaincre « animale » et lucidité « froide », c’est être capable de comprendre sa combinaison consciente et inconsciente.
  • Les joueurs doivent enfin interagir à partir d’une communication verbale adaptée et d’une communication non-verbale subtile. Partager du commun c’est immédiatement l’obligation pour chacun de considérer le mariage incontournable de préoccupations personnelles avec des préoccupations collectives. Le préfixe « CO » induit implicitement le devoir de considération des besoins d’autrui. Au sein des plus puissantes coopérations il y a souvent de la complicité, on a alors le sentiment que les membres du groupe se comprennent et ont plaisir à se porter attention. La bienveillance mutuelle se marie alors avec une responsabilisation de tous, généralement matérialisée par la formalisation naturelle d’une exigence réciproque.

Ainsi, l’intelligence émotionnelle résulte probablement dans le maniement d’une double compétence :

  1. la capacité d’accueil et d’écoute de sa propre sensibilité (ce qui fait sens c’est ce qui répond aux besoins – les émotions préviennent de la satisfaction ou non des besoins)         
  2. la capacité de considération des besoins de mes semblables

Quand chacun irait vers le développement progressif de cette double compétence, nul doute que les membres de ce collectif parviendraient à sécuriser une ambiance relationnelle intelligente propice à des parts d’efficience.

Fort de ce descriptif, j’avance donc que faire preuve d’intelligence émotionnelle réside dans sa capacité à rester connecter à son humanisme en toute circonstance. Nos émotions étant directement liées à l’interrogation permanente de nos besoins fondamentaux, notre système émotionnel doit être perçu comme un véritable allié. Être à l’écoute de soi (de ses propres émotions) comme à l’écoute des émotions des personnes qui nous entourent, semble correspondre à cette faculté dite intelligente. Si l’on cherche à éclairer plus précisément ce concept, il s’agit certainement d’une compétence d’accueil de sa vulnérabilité sans qu’aucun souci de la masquer ne s’invite. Au contraire, se sachant fragile lorsque seul, le sujet s’attache à développer des liens et assume son gout pour la relation humaine. L’invulnérabilité est un mythe, sans l’autre nous ne sommes que peu.

Interagir sainement, c’est jouer de complémentarité à partir de l’écoute de soi et de l’écoute d’autrui.

Dans le cadre d’une collaboration au sein d’un collectif, faire preuve d’intelligence relationnelle c’est garantir l’accueil d’autrui dans sa singularité, c’est aussi utiliser pleinement sa curiosité afin de détecter la richesse potentielle de l’autre en vue d’une coopération optimisée. Tout le monde s’y retrouve quand ça marche, d’où l’importance de se rejoindre.

Quant à l’intelligence émotionnelle, elle complète ce savoir être en permettant davantage de compréhension de ce qui nous régit et de des injonctions inconscientes qui contribuent à l’adoption de certaines postures.

En tant que dirigeant ou manager, lorsqu’on souhaite atteindre un objectif en mobilisant une équipe pour y parvenir, il est indispensable de se connecter à l’ensemble des humains contributeurs. L’intelligence émotionnelle étant l’outil principal de la relation, elle sera centrale dans pareille démarche. Comment la négliger quand on sait qu’on ne se connecte bien aux autres que quand on est bien connecté à soi ?

Si le dirigeant bénéficie d’une part de sérénité dans son dialogue interne (« je me sens bien avec celui que j’habite »), toutes ses relations en bénéficieront. Si au contraire des perturbations inconscientes le polluent, l’ensemble de ses interactions seront abîmées et inconfortables pour lui comme pour ses interlocuteurs.

Le dirigeant doit donc prendre soin de sa personne en gagnant continuellement en cohérence, ses actes doivent être idéalement alignés avec son discours.

En tant que manager on souhaite normalement faire grandir ses collaborateurs, il est donc important de savoir d’où l’on part avec chacun, pour évaluer correctement la conduite de l’évolution de chacun. Pour savoir d’où l’on part il est impératif de pouvoir rejoindre l’autre. Nous disposons de tous les outils nécessaires pour nous rejoindre les uns les autres, il faut simplement que la connexion opère autour d’une intelligence commune, celle des émotions partagées. Accueillir l’ensemble des émotions est donc central, les traiter à partir de postures d’adultes responsables le sera tout autant.

Saisir l’importance que représente la faculté d’être pleinement attentif à l’autre est une prise de conscience incontournable quand on ambitionne de guider un collectif. 

Quand une personne se sait considérée et qu’elle a la possibilité d’échanger en confiance de manière authentique, son engagement au sein du collectif s’accroit progressivement et celui-ci contribue à assoir son sentiment d’appartenance.

Concernant l’intelligence collective, l’entraineur que je suis sait reconnaitre que les plus grandes réjouissances d’un groupe émanent de sa faculté à produire sans tutelle des actions collectives efficaces.

Les membres d’un collectif ne sont jamais plus heureux que lorsqu’ils se doivent complètement une production remarquable. Le public, les entraîneurs et les joueurs sont comblés dès lors que l’action collective repose sur une intelligence collective circonstancielle intuité dans la contingence.

Quand un humain se doit une réussite sa gratitude pour sa propre personne est immense. Quand plusieurs humains combinent intelligemment et parviennent à produire quelque chose de totalement adapté, ils sont liés pour la vie par cette performance qui souvent a reposé sur une écoute de haut niveau et une compréhension mutuelle totalement alignée.

Beaucoup de très belles performances collectives sont guidées et sont le fruit d’un travail de rodage, d’automatisations et de répétitions. Ces performances procurent car elles récompensent un énorme travail de mise au point et la sincère contribution de tous. L’action singulière qui enflammera un stade entier ainsi que des téléspectateurs, sera souvent celle produite par des joueurs se trouvant obligés de répondre intelligemment à l’imprévu. C’est jouissif de s’adapter efficacement à plusieurs, de s’être compris sans avoir le temps de beaucoup communiquer, de combiner à pleine vitesse pour surprendre, de se sentir suivi dans la moindre initiative, d’exécuter des gestes techniques sans aucune faute…cela s’appelle l’intelligence situationnelle. Pour le vivre, il faut être solidaire dans toutes les initiatives, assumer toute destinée collectivement, être prêt à compenser ensemble ce qui devrait l’être.

Dans le cadre de l’entreprise ou d’une collectivité, le développement des outils d’intelligence collective devient de plus en plus courant. Les organisations se prêtent à d’avantage d’agilité dans certains secteurs parce que cela s’avère participer à un véritable gain en compétitivité. Tout repose sur un état d’esprit, ces démarches ne peuvent s’envisager que si une grande solidarité s’exprime dans les comportements de tous les contributeurs. La confiance mutuelle doit être haute car elle permet la possibilité de la pleine expression.

Le contrôle reste au cœur de beaucoup de démarches organisationnelles, il a participé à établir des modèles pyramidaux qui tendent à être modifié au profit de structure organisationnelle plus plates. Tout est possible, tout peut fonctionner, la différence se fait souvent à partir du niveau de responsabilisation des acteurs.

Paco Laulhé – Coach certifié SYNALTA Coaching

Intervenant à Campus Landes

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